Le Foie Gras des obèses

Elle s'exprime par le Body Mass Index des anglosaxons (BMI) ou IMC des francophiles, qui est égal au poids divisé par la taille exprimée au carré. La barre supérieure a été fixée à 30 kilos/m2 soit à titre indicatif 86.7 kilos pour 1.70 m. Il existe deux grandes obésités, l'une appelée androïde ou la graisse est plutôt répartie sur la région abdominale et entoure les viscères et la deuxième de type gynoïde, culminant sur la région fessière. Cette distinction n'est pas anodine, car hormis le caractère androïde de l'obésité, celle-ci expose le sujet à des complications métaboliques (intolérance aux hydrates de carbone, diabète non insulino-dépendant, hypertriglycéridémie), mais aussi cardiovasculaires (hypertension artérielle, insuffisance coronarienne, accidents vasculaires cérébraux et thromboses veineuses), ou encore respiratoires et arthrosiques. Les complications digestives sont moins connues et associent la lithiase biliaire, le reflux gastro-oesophagien et des anomalies biologiques hépatiques dont la signification vient d'évoluer. Le tableau suivant montre bien l’accentuation de la mortalité en fonction de l’IMC.

Le caractère de bénignité avait jusqu'à présent été admis par la communauté médicale, d'autant que les symptômes cliniques restent discrets avec une fatigabilité, et quelques douleurs abdominales sans véritable "jaunisse".
Mais des études récentes ont remis en cause ce dogme chez certains patients. Il semble en effet que la stéatose hépatique puisse par elle même être associée au développement de maladies hépatiques plus avancées comme la fibrose (dépôt de collagène et de substances fibreuses dans le foie), et la cirrhose au cours de laquelle cette trame fibreuse isole les cellules du foie. Les hépatocytes ne peuvent donc plus remplir leur fonction détoxifiante de l'organisme. Cette évolution défavorable serait néanmoins peu fréquente, ne correspondant qu'à 15 % de l'ensemble des obèses : elle passerait par une inflammation du foie appelée stéato-hépatite, qui ressemble aux lésions retrouvées chez les alcooliques, d'où le terme similaire d'hépatite pseudo-alcoolique ou NASH ( Non Alcholic Stéato Hepatitis) .
L'intérêt s'est donc porté récemment sur cette affection, de diagnostic plus difficile puisqu'elle implique une biopsie de foie et qu'elle pourrait être traitée par des médicaments diminuant cette évolution fibrosante et cirrhogène
Sur le biologique on retrouve une augmentation très modérée (<4N) des transaminases (ASAT et ALAT), des phosphatases alcalines et de ces fameuses Gamma GT. Ces enzymes hépatiques sont donc élevés chez un patient obèse sur cinq, notamment chez les hommes. Des marqueurs biologiques de fibrose sont venus récemment compléter le bilan biologique de base, mais leur interprétation peut s’avérer délicate (faux positifs et négatifs). Sur le plan métabolique, on note souvent une hyperglycémie et hypertriglycéridémie, tandis que le rôle d'une surcharge en fer est discuté chez certains sujets génétiquement prédisposés. Il est maintenant possible d’évaluer la gravité de cette affection par une méthode non invasive, le Fibroscan ( voir mise au point annexe). Ce dernier mesure l’élasticité (ou la dureté) du foie avec une sonde externe qui en évalue 4 cms² de façon indolore. La pratique d'une ponction biopsie hépatique n'est donc pas systématique et se discute généralement si le fibroscan montre une fibrose importante, si les anomalies persistent sous traitement ou s'il existe un autre facteur surajouté, alcool, viral B ou C par exemple.
L’impact de ces traitements sur l’évolution de la maladie est cependant modéré, car la perte de poids reste la pierre angulaire de toute amélioration hépatique.
Il existe deux grands types de traitements de l’obésité, souvent opposés :
1. Les régimes hypocaloriques variés et divers restent la base du traitement, car la perte de poids normalise souvent les anomalies hépatiques ainsi que les autres paramètres métaboliques. Son application à long terme est notoirement difficile et l'utilisation de plantes médicinales adjuvantes fait également courir un risque hépato-toxique, comme cela a été démontré pour la germandrée petit chêne. Le régime méditerranéen, guidée par une diététicienne et/ou un nutritionniste est façile à appliquer. Il évite le phénomène de yoyo et parait actuellement l’approche diététique la moins nocive et la plus adaptée à la stéatose et à la stéato-hépatite non alcoolique.
Il faut rappeler l’intérêt d’une activité physique associée avec, par exemple, 10 000 pas par jour ou un minimum de 150 minutes de marche 5 jours sur 7. Un coach sportif et des objets connectés évaluant votre activité physique peuvent vous y aider.
2. Le recours à la chirurgie fait appel à l’Anneau Gastrique Ajustable, qui permet de moduler la perte de poids, aux gastroplasties de type Sleeve (réduction importante du volume de l'estomac, en gardant les courts circuits intestinaux (by-pass) pour les patients non répondeurs et diabétiques. Ces interventions sont réservées aux obésités morbides (IMC>40 ou 35 en présence de co-morbidités) dont l'espérance de vie est notablement diminuée si on se contente d'une attitude purement médicale.
La chirurgie bariatrique est généralement suivie d'une amélioration de cette stéatose qui régresse dans plus d'1/3 des cas, notamment après gastroplastie Un amaigrissement progressif entraine souvent une normalisation du bilan biologique permettant donc un test thérapeutique facile. Il faut néanmoins tempérer ce bon résultat car un amaigrissement trop rapide après gastroplastie ou des régimes très hypocaloriques (very low calories des anglosaxons) peut s'accompagner dans 5 à 10 % des cas d'une augmentation des anomalies hépatiques. Le devenir de la fibrose hépatique associée à la NASH reste encore controversé, mais les études à 5 ans ne montrent pas d’aggravation notable.
Pour conclure, la stéatose hépatique des obèses reste une maladie bénigne , dont le devenir à long terme est maintenant mieux connu. La connaissance plus précise de son mécanisme intime nous aiderait à définir les véritables sujets à risque et à progresser dans le traitement médical. L’arrivée de nouveaux médicaments (acide obéticholique, analogues des PPAR ou liraglutide) ne doit pas occulter l’importance des règles hygiéno-diététiques et du changement de style de vie.
D’après la communication de Sylvain Beorchia aux JFHOD 2016